27 juin 2025. Inauguration d’une effigie de la Patronne d’Haïti dans les Jardins du Vatican. Alors que les efforts des puissances mondiales se concentrent sur le partage du globe en zones d’influence, tracées selon leurs intérêts respectifs, dans l’indifférence générale, la situation dramatique en Haïti ne trouve toujours pas de solution. Quelques signaux d’espoir, mais lumineux, du Saint-Siège et de la communauté internationale.
C’est l’actualité de ces heures: la série d’attaques menées en Haïti par des bandes armées dans la municipalité de La Chapelle, dans le département de l’Artibonite, qui ont contraint plus de 2 000 familles à abandonner leurs maisons. Hommes, femmes et enfants qui s’ajoutent au million 300 000 déplacés internes du pays.
Un an après le lancement de la dernière mission ONU en Haïti, le système sanitaire s’effondre et les violations des droits de l’homme sont en augmentation constante, comme l’a dénoncé Human Rights Watch: meurtres, abus, recrutement d’enfants dans les groupes criminels et violences sexuelles contre les mineurs. En compensation, selon des sources des Nations Unies, les bandes criminelles qui contrôlent une grande partie d’Haïti sont de plus en plus impitoyables et mieux équipées: signe que, malgré l’embargo sur les armes, les intérêts privés et internationaux continuent d’alimenter le business millionnaire. La guerre menée par ce qui reste du gouvernement central contre les groupes armés informels s’est récemment traduite, selon l’usage des principaux théâtres de conflit, par l’emploi de centaines de drones parmi les maisons de la capitale Port-au-Prince, avec une augmentation prévisible – bien que non confirmée – des victimes parmi les civils.
Il subsiste des motifs d’espoir, bien qu’ils soient de plus en plus isolés dans la marée montante de la violence. À 165 ans de la signature du concordat entre la République d’Haïti et le Saint-Siège, l’Église catholique demeure parmi les rares présences constructives dans le pays. Pour témoigner d’une histoire lumineuse, bien que non dépourvue de périodes d’ombre, depuis ce matin se dresse aussi une effigie de Notre-Dame du Perpétuel Secours, patronne d’Haïti, dans les Jardins du Vatican.
Étaient présents à la cérémonie le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, la ministre conseillère et chargée d’affaires a.i. de l’ambassade d’Haïti près le Saint-Siège, Marie Guerlyne Janvier, l’ambassadeur d’Haïti en Italie, Gandhi Thomas, la présidente du Gouvernorat de la Cité du Vatican, sœur Raffaella Petrini, et le sous-secrétaire du Dicastère pour l’évangélisation, monseigneur Graziano Borgonovo. La bénédiction de l’effigie de la Vierge a été confiée à monseigneur Wismick Jean-Charles, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Port-au-Prince, représentant la Conférence épiscopale haïtienne.
Toutes les interventions se sont attardées sur la nécessité de paix et de réconciliation, dans la sauvegarde de la dignité humaine. La Mère de Dieu marche, pleure et espère avec son peuple, a souligné le cardinal Pietro Parolin, tandis que les autorités haïtiennes ont mis en évidence le rôle que la communauté internationale, avec le soutien du Saint-Siège, pourrait avoir pour alimenter l’espoir et le dialogue, dénonçant les souffrances causées par l’instabilité politique, la criminalité organisée et les multiples formes de violence. Citant le pape François, Haïti reste «un pays aimé», auquel adresser pensées et actions. En rappelant sa propre expérience en Haïti, monseigneur Graziano Borgonovo a évoqué l’ancien lien des pontifes avec Haïti et le sacrifice de sœur Luisa Dell’Orto, des Petites Sœurs de l’Évangile, tuée le 25 juin 2022. Au cours du mois d’avril dernier, deux autres religieuses ont été tuées à Mirebalais, sœur Evanette Onezaire et sœur Jeanne Voltaire, des Petites Sœurs de Sainte Thérèse, avec une jeune fille qu’elles tentaient de protéger.
La dévotion à Marie sous le titre de Notre-Dame du Perpétuel Secours a des racines anciennes à Rome, et est liée à une icône grecque conservée à l’origine dans l’église augustinienne de San Matteo in Merulana. L’image, tombée en état de négligence, fut par la suite transférée dans l’église de Sant’Alfonso all’Esquilino, après qu’en 1865 Pie IX l’eut confiée aux Rédemptoristes avec la charge d’en promouvoir la dévotion, qui moins de vingt ans plus tard prend également racine en Haïti.
Notre-Dame du Perpétuel Secours s’incarne immédiatement dans l’histoire du peuple haïtien: une source d’espoir dans une terre qui semble ne pas avoir de paix. Dans l’année même de l’installation solennelle dans la chapelle de Bel Air, un faubourg de Port-au-Prince, d’une reproduction de l’icône vénérée à Rome, Haïti est tourmentée par une épidémie, qui provoque des milliers de morts dans tout le pays. La guérison, attribuée à l’intercession de la Vierge (5 février 1882), est une récurrence qui depuis est célébrée avec gratitude.
Soixante ans plus tard, Haïti est secouée par un autre mal, la Seconde Guerre mondiale, et tout le pays est consacré à Notre-Dame du Perpétuel Secours (8 décembre 1942). C’est Paul VI, avec la lettre apostolique Populus haitianus (1966), qui fait de Notre-Dame du Perpétuel Secours la patronne d’Haïti.
En preuve de l’état de grave conflictualité dans lequel se trouve le pays depuis des années, les célébrations pour Notre-Dame du Perpétuel Secours du 27 juin 2005 – fête nationale – se déroulent dans le sanctuaire de Bel Air sous le feu de rafales de mitraillettes. Entre autres, un opérateur de la Croix-Rouge Internationale est enlevé et tué, le même jour où les forces ONU et de police libèrent une femme otage de la criminalité organisée à Port-au-Prince.
Mais ce n’est pas seulement la criminalité qui assiège Haïti. Parmi les bâtiments détruits par le tremblement de terre dévastateur de janvier 2010, il y a aussi le sanctuaire de Bel Air, avec l’école et la résidence des Filles de Marie. Dans le séisme meurent plusieurs religieuses, tandis qu’icônes, ex-voto et autres objets de dévotion gisent sous les décombres. Sur le lieu du sanctuaire est érigée une chapelle provisoire, tandis qu’en 2016 le pape François fait don à l’Église locale d’une nouvelle image de Notre-Dame du Perpétuel Secours, dans le cadre des célébrations pour le 150e anniversaire de la remise de l’icône originale aux Rédemptoristes par Pie IX.
La dévotion à Notre-Dame du Perpétuel Secours marque aussi la conclusion du long voyage apostolique de l’Europe à l’Amérique Centrale de Jean-Paul II de 1983, avec le discours prononcé à Port-au-Prince, « dans cette terre d’Haïti où j’ai tant désiré venir ». Déjà il y a quatre décennies, il y a la conscience qu’« il est vraiment nécessaire que les choses changent », comme le souligne Jean-Paul II. «L’Église a eu le courage de regarder en face les dures réalités actuelles, et je suis sûr qu’il en va de même pour tous les hommes de bonne volonté, pour tous ceux qui aiment profondément leur patrie».
Respect des droits fondamentaux de l’homme, justice, sauvegarde du bien commun et distribution équitable des biens, sociétés plus orientées vers l’inclusion et la participation, parité dans l’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins de santé et aux services, opportunités d’avoir un logement, scolarisation et un travail honnête et digne, esprit de service chez ceux qui détiennent des responsabilités publiques : ce sont quelques-uns des thèmes évoqués par le pontife d’alors. «Il ne s’agit pas de rêver de richesses ou de sociétés de consommation – explique Jean-Paul II -, mais il s’agit, pour tous, d’un niveau de vie digne de la personne humaine, des fils et des filles de Dieu». Souhaits qui, après 40 ans, ne se sont toujours pas réalisés, et qui n’ont rien perdu de leur actualité.
Notre-Dame du Perpétuel Secours demeure une invitation constante à la confiance. Son icône, avec la riche stratification d’histoire, d’art et de piété populaire, continue de parler aux générations de croyants et pas seulement, rappelant que le secours de Dieu – ainsi que son jugement – ne font jamais défaut.
Traduction française: Père Wolson Tousseus.
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